Mercredi. Magnifique temps de printemps. Une belle occasion d'aller sur le terrain pour peaufiner mon pilotage du "H" Quad.
14h00. Seul sur le terrain d'aéromodélisme. À côté, les copains du vol à voile mettent en piste. Au dessus les pilotes d'Epsilon de Cognac, en fin de cycle, se
livrent à un "dogfight" des plus bruyants, puis nous gratifient d'un passage bas en formation avant de nous saluer et d'aller chasser ailleurs.
14h15. Le "H" Quad enchaîne translations et stationnaires et je note mentalement les observations sur son comportement de manière à affiner les réglages après la
fin du vol.
14h30. Après quelques légères modifications (gain de roulis, progressivité de la manette de gaz) et changement du pack d'accus (ben oui, un pack de 2200 mAh tient
environ 8 minutes ce qui est déjà pas mal vu la charge de l'engin), c'est reparti pour un deuxième vol. Montée bien rectiligne sans dandinement, translation à vitesse modérée. Ça vient ! Le
couple "H" Quad - pilote commence à fonctionner.
Une voiture s'approche puis s'arrête. Claquement de portières. Je ne me retourne pas, attentif à mon pilotage car je sais trop bien que tout moment d'inattention
risque de provoquer le pire. Je continue mes évolutions pendant que quelqu'un s'affaire à quelques mètres derrière moi. Un autre modéliste, probablement.
Subitement, alors que le "H" Quad effectue un stationnaire correct à une dizaine de mètres de hauteur, le voilà qui se désaxe complètement, devient incontrôlable et
se vomit piteusement dans l'herbe alors que derrière moi la série de bips caractéristique de la mise sous tension d'un contrôleur se fait entendre.
Aargh ! Pas besoin de dessin : le sauvage qui vient d'arriver a allumé son émetteur sans vergogne, puis a branché la batterie de son hélico tout neuf.
On se calme. La colère est toujours mauvaise conseillère ! Je ramasse mon petit fagot de bois et d'électronique et me dirige vers le loustic qui, affairé près de
son hélico, n'a même pas daigné lever les yeux sur ma mésaventure.
Je l'interpelle malgré tout vertement en lui demandant quelle est la fréquence de son émetteur.
- "Quoâ? De quoi que vous me causez ? Chais pas ! Tout le monde est en 2,4 maintenant, c'est le marchand qui m'l'a dit et aussi que j'aurais pas de soucis avec ma
radio !" (*)
- "Ouiche! Et le président du club, il t'a pas dit que quand on arrivait sur le terrain, on commençait par regarder autour de soi, et que si quelqu'un était en vol,
on attendait que son modèle soit au sol pour le saluer, puis qu'on lui demandait sur quelle fréquence il évolue ? "
- " Qué clube ? C'est un terrain d'aviation, non ? C'est pour tout le monde, non ?"
- "Et ça, c'est quoi ?"
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- "Bof ! Si on s'occupe de tout maintenant, on n'aura plus le droit de rien faire !"
Devant tant de bêtise, j'ai capitulé, et j'ai rangé mon matériel avant de quitter les lieux.
Plusieurs réflexions me viennent à la suite de cet incident :
- Les dégâts de l'individualisme sont innombrables, et le plus patent concerne les incivilités (car c'en est bien une qui est à l'origine de ma mésaventure,
laquelle tous comptes faits se solde a minima car le "H" Quad aurait tout aussi bien pu finir sa course dans le pare-brise d'une voiture circulant sur la route proche) ;
- Je hais les marchands qui vendent des modèles réduits comme de vulgaires paquets de lessive, sans explications ni recommandations, avant tout soucieux de fourguer
la radio qui leur reste sur l'étagère (pas de pot pour moi, c'était une 41 !) ;
- Les fédérations comme les clubs font généralement du bon boulot en éduquant leurs membres du mieux qu'ils peuvent, mais comment toucher les individualistes
encouragés par les marchands dans leur démarche "Tous les sports que je veux, où je veux, quand je veux" ?
Quant au "H" Quad, il n'est pas mort pour autant : un bras est cassé, le train est tordu, mais tout fonctionne. Une bonne heure de travail et il pourra
repartir.
(*) Ceci n'est pas une transcription exacte de notre dialogue. Disons qu'il est un peu "littérarisé", car dans les faits, tout y était un peu plus
cru.